Tome IV, 1re partie : Épidémies I et III

Tome IV, 1re partie : Épidémies I et III

Texte établi et traduit par : Jacques Jouanna, Avec la contribution de : Alessia Guardasole, Avec la contribution de : Anargyros Anastassiou, Notes de : Jacques Jouanna

Présentation

« Le traité, dont le titre originel est inconnu, est l'un des fleurons les plus remarquables du rationalisme hippocratique. Malheureusement il a été victime, dès la haute Antiquité, d'une dislocation accidentelle au cours de la transmission du texte. Traité unique écrit par un seul et même médecin, il a été transmis en deux livres séparés intitulés Épidémies I et Épidémies III, alors que cette dislocation ne correspond à aucune division majeure du traité originel, les deux parties devant être remises bout à bout pour réunir ce qui était déjà séparé au temps de Galien. C'est l'œuvre d'un médecin qui a été un maître de l’observation de la réalité quotidienne du malade qu’il a confiée à l’écriture. C’est, en effet, le traité le plus ancien où apparaissent des fiches de malades décrits au jour le jour de la maladie. On dispose ainsi d’une totalité de quarante-deux fiches de malades auxquelles il faut ajouter les noms de vingt-six malades particuliers cités en exemple au cours d’un tableau nosologique. Ce médecin a exercé particulièrement dans la Grèce du Nord à Thasos, mais aussi dans d’autres cités de la côte thrace ou de Thessalie. C’est ce qui ressort de l’examen des fiches où le médecin présente dans nombre d’entre elles non seulement des précisions sur l’identité du malade, mais aussi des indications topographiques, sur la cité où il a examiné le malade, voire sur son adresse par référence à un lieu connu de la cité.

À cette observation du détail guidée par tout un savoir médical implicite sur la classification des maladies et sur la signification diagnostique et pronostique des signes pathologiques, l’auteur ajoute un sens remarquable de la synthèse, guidé par la conviction que les maladies suffisamment répandues dans la population d’une cité pour avoir le statut de « maladies épidémiques » s’expliquent dans le cadre environnemental des quatre saisons de l’année. C’est à l’intérieur de ce cadre, la constitution climatique de l’année (κατάστασις), que le médecin présente quatre tableaux nosologiques dans une cité donnée, en l’occurrence Thasos (au moins pour les trois premières). Ces comptes rendus climato-nosologiques dressés dans une cité particulière sont, comme les fiches de malades, une grande première dans l’histoire de la médecine occidentale. Ils inaugurent l’émergence d’une médecine statistique avant la lettre sur la proportion des malades atteints par les différentes maladies au cours de chaque saison.
En troisième lieu, à la description du détail et à la vision d’ensemble s’ajoute un volet réflexif sur l’art de la médecine, où le médecin prend de la hauteur après les tableaux nosologiques et avant les fiches de malades. La fulgurance de certaines formules étonne. C’est en particulier le cas de trois considérations à la fin de la deuxième constitution (c. 11 § 2) qui sont restées parmi les plus célèbres de la collection médicale attribuée à Hippocrate : 1. sur la nécessité du pronostic dans les trois dimensions du temps : « Dire le passé, comprendre le présent, prédire l’avenir ».
2. sur la finalité de l’action du médecin : « pratiquer, à propos des maladies, deux choses : être utile ou ne pas nuire ».
3. sur la définition de l’art de la médecine : « L’art a trois termes : la maladie, le malade et le médecin. Le médecin est le serviteur de l’art. Il faut que le malade s’oppose à la maladie avec le médecin. » »

Incipit de la notice de Jacques Jouanna au présent volume

Presse

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Biographies Contributeurs

Hippocrate

Hippocrate est le plus illustre médecin de la Grèce antique. Né en 460 à Cos dans une branche de la famille aristocratique des Asclépiades qui prétendait descendre d'Asclépios, il apprit la médecine dès l'enfance auprès de son grand-père, déjà nommé Hippocrate, et de son père. Il fut célèbre dès son vivant, comme l'indiquent les mentions de son jeune contemporain Platon dans le Protagoras ou dans le Phèdre. Il enseigna la médecine à ses deux fils, et ouvrit son enseignement à des disciples extérieurs à la famille, moyennant salaire. Il refusa d'aller au service du Grand Roi, mais il quitta son île natale pour la Grèce continentale où il passa une partie de sa carrière, notamment en Thessalie à Larissa où il mourut à un âge avancé. L'œuvre conservée sous son nom, comprenant une soixantaine de traités, désignée actuellement sous le nom de Collection hippocratique ou Corpus hippocratique, constitue les premiers écrits médicaux conservés de la médecine occidentale. Rédigés en dialecte ionien, comme l'Histoire d'Hérodote, ils sont les remarquables témoins d'une médecine rationnelle dont un noyau important date de la seconde moitié du Ve siècle ou de la première moitié du IVe siècle avant J.-C.

Jacques Jouanna

Professeur de littérature et civilisation grecques à la Sorbonne, Paris IV et directeur de l'Unité de recherche sur la médecine grecque au CNRS (1990-2000), président de l'école doctorale Mondes anciens et médiévaux ; Membre de l'Institut, Académie des inscriptions et belles lettres (1997) ; Directeur de la Collection des Universités de France (CUF) série grecque. 

Extraits

XXVII. 3 (= A 3) Chez Hérophon, fièvre aiguë ; du ventre sortaient peu d'évacuations, au début caractéristiques du ténesme, ensuite des matières ténues, bilieuses, assez fréquentes ; les sommeils n'étaient pas là ; urines noires, ténues.
Au cinquième jour tôt, surdité ; tout s’exacerba ; la rate enfla ; tension de l’hypocondre ; du ventre sortit peu de matières ; elles étaient noires ; il perdit la raison.
Au sixième jour, il divaguait ; durant la nuit, sueur, refroidissement ; la divagation persistait.
Au septième jour, il s’était refroidi tout autour ; il était assoiffé ; il fut frappé de délire ; la nuit, il retrouvait la raison ; il s’endormit.
Au huitième jour, il eut de la fièvre ; la rate diminuait ; il avait retrouvé complètement la raison ; il eut mal pour la première fois à l’aine, en droite ligne de la rate ; ensuite, les douleurs s’étendaient aux deux jambes ; la nuit, il supporta facilement (le mal) ; les urines étaient de meilleure couleur ; elles avaient une petite sédimentation.
Au neuvième jour, il eut de la sueur ; ce fut la crise ; il y avait rémission.
Au cinquième jour (après la crise), il y eut récidive ; aussitôt la rate enfla ; fièvre aiguë ; surdité à nouveau. Après la récidive, au troisième jour, la rate diminuait ; la surdité était moindre ; douleur aux membres inférieurs ; la nuit, il eut de la sueur ; la crise eut lieu au dix-septième jour ; et il ne fut pas frappé de délire pendant la récidive.

(Extrait de la traduction de Jacques Jouanna, Épidémies I, XXVII, 3, pages 44-45)

Table des matières

Notice

I. Épidémies I et Épidémies III rédigées par un même auteur
II. Épidémies I et Épidémies III formant un seul et même ouvrage
III. Nature, but et structure de l'ouvrage
IV. Les constitutions climato-nosologiques
V. Les fiches de malades
VI. Les techniques de l'observation
VII. Les cadres de la nosologie
VIII. Pronostic et thérapeutique
IX. La réflexion sur l'art et l’éthique
X. L’auteur et la date
XI. La tradition du texte dans Épidémies I et III
A. La tradition directe ou tradition hippocratique
B. La traduction latine
C. La tradition indirecte
D. La tradition imprimée


Stemma des manuscrits
Conspectus siglorum
Texte et traduction
Notes complémentaires
Compléments bibliographiques
Index nominum
Index verborvm

Informations détaillée

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