Commentaire sur l'Enéide de Virgile. Livre VI

Commentaire sur l'Enéide de Virgile. Livre VI

Texte établi et traduit par : Emmanuelle Jeunet-Mancy

Présentation

Il s'agit de la première édition traduite en langue française et annotée du Commentaire au livre VI de l’Énéide réalisé par Servius, grammairien du IVe siècle ap. J.-C. Lecteur érudit de l’œuvre virgilienne, sur laquelle il apporte un éclairage essentiel, il permet à la fois de mieux comprendre l’épopée de Virgile et de mieux appréhender les bouleversements qui agitent le monde romain tardif.
Servius est professeur à Rome à une époque où le christianisme s’impose et où les milieux païens déclinent. Il est reconnu comme un spécialiste de Virgile par ses contemporains, qui voient en lui un défenseur de la civilisation romaine traditionnelle. L’explication vers à vers de l’Énéide, mais aussi des Bucoliques et des Géorgiques, lui permet en effet de maintenir vivace le souvenir de la grandeur de Rome et une culture païenne qui reconnaît dans l’Énéide l’un de ses textes fondateurs.
Le Commentaire servien est riche de scolies aux genres les plus variés : de l’explication étymologique à la résolution d’un problème de scansion, de la notice mythologique au rappel d’un point de Droit romain, d’une remarque sur le bon usage de la langue latine à une digression philosophique… Les scolies du grammairien portent aussi bien sur le fond que sur la forme de l’épopée : on peut les envisager comme un manuel du professeur à l’usage de l’enseignement d’un texte classique, passage obligé dans les études secondaires romaines. Mais au-delà du simple ouvrage didactique, le Commentaire de Servius est surtout un puits d’érudition, un texte où l’encyclopédisme le dispute à l’éclectisme, devenu une des principales sources de renseignements sur la civilisation antique jusqu’à aujourd’hui.
Le livre VI de l’Énéide, dans lequel le héros a la possibilité de descendre aux Enfers et de s’enquérir du devenir de l’âme après la mort, offre tout particulièrement à Servius l’occasion de défendre une vision du monde teintée de néoplatonisme. Ses scolies constituent alors un apport très intéressant à l’histoire des idées dans l’Antiquité tardive.
L’édition du Commentaire de Servius est enrichie de gloses à l’origine toujours mystérieuse, qui furent publiées pour la première fois par l’érudit Pierre Daniel en 1600, d’où le nom de Servius Danielis donné à cet ensemble, constitué du commentaire de Servius et de ces scolies ajoutées. Ce commentaire élargi possède également un intérêt propre, dans la mesure où il détaille encore celui de Servius, et où il nous renseigne sur le contenu de l’enseignement dispensé à une période postérieure à celle du grammairien, probablement le VIe ou le VIIe siècle. En effet, même si le Servius Danielis a pu être considéré parfois comme le commentaire perdu de Donat à l’œuvre de Virgile, nos recherches montrent bien que son fonctionnement comme son contenu le situent nécessairement à une époque plus tardive. Les remarques sont manifestement ajoutées à celles de Servius, viennent les préciser et s’articulent avec elles ; leurs thèmes sont eux aussi variés, mais ils permettent de voir quelles pouvaient être les préoccupations des lecteurs de l’Énéide à la fin de l’Antiquité, voire au début du Moyen Âge, dans un contexte chrétien.
Ces scolies supplémentaires apparaissent en vis-à-vis de celles de Servius, selon un système de colonnes qui place le texte originel à gauche et les gloses faites par un ou des compilateurs postérieurs, à droite. Cette mise en page permet de visualiser aisément les apports du Servius Danielis, tout en conservant la hiérarchie chronologique existant entre les deux textes.
Guide pédagogique, encyclopédie, précis de grammaire…, le Commentaire de Servius enrichi des remarques du Servius Danielis possèdent donc une réelle valeur intrinsèque, qui se double de l’intérêt qu’on prend à les lire en parallèle de l’œuvre de Virgile. Ils constituent également un témoignage important de la transmission et de l’évolution de la culture latine depuis l’Antiquité tardive jusqu’au Moyen Âge.

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